[FNE] NOUVEAUX OGM : CACHER LES RISQUES NE LES FAIT PAS DISPARAÎTRE

Publié le mar 30/04/2024 - 16:07

Les OGM issus de des nouvelles techniques génomiques (NTG) présentent bel et bien des risques environnementaux et sanitaires : c’est ce que confirme l’ANSES qui, aux antipodes du projet européen de déréglementation soutenu par la France, préconise une évaluation et une surveillance de ces risques. Prêt depuis janvier, le rapport de l’ANSES n’a été publié par le gouvernement que le… 6 mars, soit un mois après le vote du Parlement européen en faveur de la déréglementation des NTG !

DES RISQUES ENVIRONNEMENTAUX, SANITAIRES ET SOCIO-ÉCONOMIQUES 

Le 6 mars dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a publié un avis sur les risques et enjeux socio-économiques associés aux plantes OGM issues des NTG. Dans cette expertise, l’agence française relève des modifications non intentionnelles sur le génome des plantes, ainsi que des risques de problèmes nutritionnels, d’allergénicité ou de toxicité, ou encore des risques environnementaux à moyen et long terme, comme le risque de flux de gènes vers des populations sauvages ou cultivées compatibles. 

Loin d’être précises et anodines comme promis par la Commission européenne et par les industriels de l’agrochimie, les NTG posent ainsi des risques singuliers par rapport aux plantes issues de l’agriculture conventionnelle, et ne doivent en aucun cas être présumées « équivalentes » à celles-ci.  

Un danger pour la biodiversité et pour la santé 

Ce constat alarmant, concernant tant la santé que la biodiversité, conduit logiquement l’ANSES à préconiser une évaluation «au cas par cas» des «risques sanitaires et environnementaux» associés aux plantes obtenues par la technologie des ciseaux moléculaires (CRISPR-Cas), ainsi qu’un « plan de surveillance » post-autorisation des risques environnementaux appuyé sur un dispositif assurant la traçabilité et le contrôle des plantes et produits issus de NTG, ainsi que l’information des citoyen·nes. 

Cette gestion des risques infirme l’orientation proposée par la Commission européenne, soutenue par la France et votée le 7 février par le Parlement européen : à ce stade de la négociation européenne autour du projet de déréglementation, il n’est en effet prévu aucune évaluation des risques, ni surveillance systématique, sans parler de mesures sérieuses de traçabilité ou d’étiquetage jusqu’au consommateur. 

L’Europe, un territoire cobaye ?

Ainsi, malgré les risques relevés par l’ANSES et par d’autres agences d’expertise, documentés par de nombreuses études, l’adoption de ce texte en l’état reviendrait tout simplement à lâcher, dans nos champs, dans la nature et dans nos assiettes, des OGM aux effets mal connus, qui présenteraient des risques jamais évalués ni surveillés. L’Europe deviendrait un vaste territoire cobaye pour les multinationales agrochimiques favorables à leur déréglementation : BASF, Syngenta, Corteva, Bayer (Monsanto), etc.

De nombreux risques socio-économiques 

L’ANSES invite également à prendre en compte les risques socio-économiques, et préconise de les inclure dans le plan de suivi … après chaque mise sur le marché d’un nouvel OGM. Les scientifiques mobilisés par l’agence ont en effet relevé plusieurs points d’interrogations ou de controverses soulevés par le développement des OGM issus des NTG : leur brevetabilité, la concentration du secteur de la sélection variétale et des semences, les impacts sur les filières agricoles et les acteurs économiques, la difficile coexistence avec l’agriculture biologique, les priorités de la recherche publique, les exigences des consommateurs en matière de transparence, les enjeux éthiques… 

CHOIX DE SOCIÉTÉ ET RÉTENTION D’INFORMATIONS

Pour l’ANSES, l’absence de consensus sur ces sujets cruciaux rend indispensable un débat public permettant « une expression, argumentée sur des bases scientifiques, des oppositions et de leurs fondements ».
On en est loin ! Le Conseil de l’UE et le Parlement européen ont, depuis juillet dernier, conduit à marche forcée la procédure législative, tout en maintenant l’opacité sur les mises en garde scientifiques. Un premier rapport de l’ANSES, en décembre dernier, n’a jamais été mis à l’ordre du jour de la commission Environnement du Parlement européen. De plus, le gouvernement français a attendu un mois après que le Parlement européen eut voté en faveur de la déréglementation des OGM le 7 février pour publier le second rapport de l’ANSES sur les risques, pourtant prêt dès janvier… 

Entretemps, France Nature Environnement et trois autres associations avaient envoyé aux ministres de l’environnement et de l’agriculture une lettre réclamant la publication de ce rapport, se réservant le droit de saisir la CADA voire le juge administratif. Elles ont finalement été entendues.

Est-il trop tard pour engager ce nécessaire débat public ? Les négociations sur le projet de dérèglementation des OGM issus des NTG patinent au sein du Conseil de l’Union, et il n’est pas certain qu’elles aboutissent avant les élections européennes de juin prochain. 

Il est encore temps que le gouvernement français écoute ce que les scientifiques ont à dire sur ces nouveaux OGM, leurs risques et leurs fausses promesses. Il serait temps, aussi, qu’il prenne en compte l’hostilité des citoyen·nes aux OGM, et leurs attentes en matière de transparence, et donc de traçabilité et d’étiquetage.

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